Mme Sandrine DIEBOLT
Soutiendra jeudi 25 septembre 2025 à 14 h
Salle A109 à la faculté d’éducation (2 Place Marcel Godechot Montpellier)
une thèse de DOCTORAT
Discipline : Littératures françaises, comparées spécialité Littérature française
Titre de la thèse : Le tissage des discours lectoraux ou comment les jeunes lecteurs disent leur compréhension-interprétation
Composition du jury :
- Mme Marie-France BISHOP, Professeure émérite, Cergy Paris Université
- Mme Claire DOQUET, Professeure, Université de Bordeaux
- M. Pascal DUPONT, Professeur, Université Toulouse - Jean Jaurès
- M. Pierre-Louis FORT, Professeur, Cergy Paris Université
- Mme Brigitte LOUICHON, Professeure, Université de Montpellier, directrice de thèse
- Mme Laetitia PERRET, Maîtresse de conférences, Université de Poitiers, codirectrice de thèse
- M. Frédéric TORTERAT, Professeur, Université de Montpellier
Résumé de la thèse :
Cette thèse s’intéresse aux discours lectoraux, i.e. aux énoncés que des élèves de CE1 formulent dans le cadre d’échanges portant sur la lecture d’album de fictions narratives. Ces énoncés ont la spécificité d’exprimer la compréhension et l’interprétation des jeunes lecteurs. En ce sens, ils accompagnent des processus cognitifs et s’inscrivent dans des genres discursifs socialement référés. Ainsi, pour le jeune lecteur, apprendre à comprendre consiste également à apprendre à dire sa compréhension.
Cette thèse défend en outre l’idée que la compréhension, même pour de très jeunes lecteurs, ne peut advenir sans l’interprétation. Ces deux opérations de lecture entretiennent entre elles des relations d’innutrition que l’on peut traduire par la métaphore du tissage et dont les discours lectoraux portent la trace. Le tissage peut s’observer à la fois dans les discours (sous forme de tissage intradiscursif) et dans les échanges entre pairs (sous forme de tissage interdiscursif). Le dispositif de recherche cherche à saisir ce processus dynamique qu’est le tissage discursif et repose sur la captation de deux séquences d’enseignement menées par trois enseignants expérimentés. En contrepoint, des entretiens permettent de décrire des profils individuels de jeunes lecteurs et de montrer que la (non-) résolution des diverses tensions qui traversent les discours lectoraux contient des enseignements sur leur identité lectorale.
Considérer la lecture d’albums au CE1 par le prisme de la lecture littéraire permet de saisir la complexité de la formation des jeunes lecteurs, complexité soulignée par la diversité des discours qu’ils produisent. Dire sa compréhension-interprétation consiste notamment à décrire et reformuler l’iconotexte, reconstituer la cohérence de la fiction, comparer le fonctionnement de cette dernière avec le monde actuel, engager ses valeurs et ses émotions, faire appel à sa propre expérience du monde. Pour faire advenir ces discours, les enseignants mettent en place de nombreux gestes qui préparent, accompagnent, étayent la lecture et permettent le tissage à la fois du processus et des discours. Ces derniers deviennent alors de véritables gestes d’étude en ce qu’ils sont à la croisée des processus lectoraux engagés dans la lecture littéraire et d’une formalisation relevant de genres sociaux et scolaires qui les modélisent et que les jeunes lecteurs doivent s’approprier. Les discours lectoraux disent aussi la conception du monde des jeunes lecteurs et traduisent leurs préoccupations profondes, soulignant en cela aussi l’intérêt de considérer la lecture d’album par le truchement de la compréhension-interprétation dès le CE1. Cette complexité que cette thèse s’emploie à décrire, peut aussi être inhibante. Les quelques profils établis montrent que l’inscription dans le discours des autres pour déployer son propre discours peut être un obstacle à la formation du lecteur. Tenir compte des discours lectoraux dans l’enseignement-apprentissage de la lecture apparait, au terme de cette étude comme une nécessité pour la formation du jeune lecteur.
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This dissertation focuses on lectorate discourse, that is, the utterances produced by second-grade pupils (CE1 in the French system) during discussions centered on the reading of narrative picture books. These utterances are distinctive in that they express the children’s comprehension and interpretation of the texts. In this respect, they both accompany cognitive processes and belong to socially situated discursive genres. For young readers, learning to understand thus also entails learning to articulate that understanding.
We further argue that comprehension, even for very young readers, cannot occur without interpretation. These two reading operations are interdependent and mutually sustaining, a relationship we conceptualize through the metaphor of weaving. This metaphor captures the way traces of this interweaving appear in lectorate discourse, both within individual utterances (intradiscursive weaving) and in the interactions between peers (interdiscursive weaving). Our research methodology aims to capture this dynamic process of discursive weaving and is based on the observation of two teaching sequences conducted by three experienced teachers. Complementary interviews allow for the development of individual reader profiles and help reveal how the (non-)resolution of the various tensions inherent in lectorate discourse provides insights into the children’s emerging reader identities.
Approaching the reading of picture books in CE1 through the lens of literary reading enables us to apprehend the complexity of young readers’ development. The diversity of their discourse highlights this complexity. Expressing comprehension and interpretation involves describing and reformulating the iconotext, reconstructing the coherence of the narrative, comparing the story world with the real world, engaging personal values and emotions, and drawing on lived experience. In order to elicit such discourse, teachers employ a range of pedagogical actions that prepare for, support, and scaffold the reading process, facilitating the weaving of both the cognitive process and the discourse itself.
These utterances thus become genuine gestures of study, situated at the intersection of literary reading processes and the formalization imposed by school and social genres that model them—genres which young readers must gradually appropriate. Lectorate discourse also conveys the children’s worldview and reveals their deep-seated concerns, further underscoring the value of approaching picture book reading through comprehension and interpretation as early as second grade.
This complexity, which we seek to describe, can also prove inhibiting. The reader profiles we have outlined show that engaging with others’ discourse in order to construct one’s own can at times hinder the development of reading competence. Ultimately, this study concludes that taking lectorate discourse into account in the teaching and learning of reading is essential to the formation of young readers.